On ne sait pourquoi les bonnets des manifestants bretons contre l’écotaxe sont rouges, tant on ressent fortement derrière ce mouvement la puissance financière (sûrement pas rouge) de ceux qui ont imposé une industrie productiviste à bas coût dont les conséquences humaines (santé, conditions de travail), écologiques, éthiques et humanitaristes (si l’on songe au sort des animaux), sont tout simplement épouvantables. Des camps de concentration et de souffrance pour les bêtes, calibrées comme des pommes industrielles pour les besoins de la production de masse et de la standardisation des abattoirs ; les carcasses trop déformées pour la standardisation industrielle transformées en farines animales qu’on arrive toujours à fourguer, malgré les risques sur la santé ; des antibiotiques à foison, du maïs et du soja OGM venus d’Amérique du Sud pour nourrir vite et pas cher les bêtes au prix d’une misère sociale et d’une déforestation éhontées dans les pays d’origine…
Et voilà que les responsables de ce gâchis se révoltent pour ne pas payer trois sous de soutien à l’écologie. A chaque scandale (algues vertes…) ils se sont défilés et c’est l’État et le contribuable qui ont toujours payé pour continuer à polluer et conserver ce système absurde qui va à notre perte. En construisant une usine de retraitement des algues vertes qui non seulement ne fonctionne pas vraiment, non seulement a coûté des milliards, mais en plus conforte finalement la production des pires poisons. Dame, puisqu’on les traite, les poisons. On les traite, on les enfouit, on les garde au chaud dans la terre épuisée pour qu’ils explosent à la figure de nos petits-enfants… Bravo ! Alors oui, si les bonnets sont rouges, il y a aussi derrière le noir du désespoir. Le noir du chômage, celui de la colère, celui de la pauvreté. La Bretagne profonde est pauvre. C’était une terre d’exil, elle est aujourd’hui spécialisée dans une aventure industrielle imbécile qu’on lui a imposée. Et la concurrence mondiale, le libre jeu des gens qui possèdent et qui dirigent en Europe et dans le monde entier font que… font que… Fleuron béni, hier, du splendide productivisme, tel ou tel sigle devient aujourd’hui l’affreux symbole de la déconfiture générale du système. Les abattoirs allemands utilisent une main d’œuvre intérimaire sous-payée venue d’Europe centrale. Ils sont moins chers et ça suffit, la messe est dite. On a beau vendre à bas coût, laisser mourir les paysans, produire une viande insipide dangereuse pour la santé, tricher partout où c’est possible, envoyer ses sous à l’abri, faire souffrir toute leur vie les animaux, détruire la terre et l’avenir, ça ne suffit encore pas. Et si les abattoirs et les usines agroalimentaires ne rapportent plus assez aux actionnaires, le verdict est implacable, comme toujours.
On a le cœur soulevé devant tant d’ignominie. Mais on ne peut pour autant soutenir ceux là même qui détruisent la vie, même si parmi eux se glissent des pauvres gens.
On ne peut que continuer à faire vivre notre agriculture locale et biologique. Nous sommes sûrs que notre action, aux Paniers Marseillais, est utile. L’épisode affreux des bonnets rouges et de l’écotaxe nous inspire juste le désir de continuer, de tenir bon, et de rester ouverts aux milliers d’initiatives sœurs que nous appelons de nos vœux partout dans le monde. Chacun sa part, pas à pas.
Bien sûr, ça ne suffira pas. Et si notre importance devenait gênante, nous ne doutons pas qu’en face ils chercheraient alors à nous diviser, nous acheter ou nous réduire. Mais aujourd’hui notre message est de tenir bon sur ce que nous avons construit.